Pourquoi ?
Pourquoi ?
Très souvent ces questions reviennent. Qu’est-ce que vous y
trouvez ?
Pourquoi vous aller en bas ? Et quel est le rapport
entre les carrières
souterraines et la spéléo ?
La curiosité, bien entendu, d’aller voir un
endroit caché,
plus difficile d’accès, l’envers du décor. Certains sont
curieux d’y découvrir
des bribes de l’histoire inconnue de Paris, pour d’autres la
curiosité de voir
un décor inhabituel, des formes que l’on ne peut pas
imaginer à la surface. La
découverte. L’esthétique particulière du lieu. Mais les
photos et les livres ne
suffisent pas retranscrire l’expérience d’y être allé.
D’être en bas. Le noir
total, le fait de voir que ce que l’on désigne de notre
lumière. Et le noir
nous entoure, il est l’inconnu, il est le fantasmé, il est
la peur, il est tout
ce que l’on imagine. Puis la roche qui entoure comme un
cocon, la matière
brute, la nature simplement, le ventre de la terre. Se
confronter à des
conditions rudes, surpasser ses peurs. Le dépassement
de soi.
Cela devient une obsession. C’est passionnel, il faut y
retourner, aller plus
loin, vivre l'aventure. Pour certains, c’est un voyage
initiatique. Passer des
étapes. Ou un refuge, pour se calmer, pour se reposer, pour
se soigner. Mais
aussi pour se perdre. Un lieu de perdition. Pour
disparaitre.
La perte des repères,
des
limites, des contraintes de la surface. Le temps se distant,
le cycle
biologique se modifie, le sommeil et la faim n’arrivent pas
avec la même
précision qu’au quotidien. Les époques se superposent, par
les traces laissées
par les troglophiles de tout temps. Les anciens
graffitis, des premiers
explorateurs de grottes, ou des planqués sous Paris d’un
autre siècle. Les
nouveaux graffitis des premiers graffeurs de Paris, ou les
plus récents qui
datent de tout à l’heure. Les vivants, les ossements
humains. La mort. L’autre
monde. Dans un gouffre, la vie ne pend qu’à un fil. On se
retrouve minuscule
dans un immense volume. Humilité. Vulnérabilité. Ou écrasé
dans une étroiture,
à pousser et gratter pour passer. Les contraintes du
quotidien n’ont plus
aucune valeur à travers les mètres de matière qui nous en
sépare. On revient à
des notions basiques. Survivre. Etre tranquille. Plus
attentif à ses besoins,
ceux des autres. Les interactions humaines y sont plus
intenses. C’est un huit
clôt. Une visite en solitaire et c’est une mise en abime de
l’introspection.
Une descente en équipe et la convivialité
ou les tensions
s’exacerbent. Se décharger des repères quotidiens et on
touche du doigt une liberté
enivrante. Le souterrain qu’il soit une source d’inspiration
artistique, un
objectif sportif, un terrain de recherche, ou un lieu de
prédilection d’une
convivialité unique, c’est un graal. On court dedans pour se sentir vivant.
On entend très souvent parmi les spéléo que les cataphiles sont
des bras
cassés d’alcoolo guédro et qu’ils ne sont pas crédibles. A
l’inverse, bien des
cataphiles peuvent se montrer taquins face à un groupe
sur-équipé en spéléo
dans les kta. Mais, comment dire ? Les spéléo peuvent
aussi souvent être
de gros festoyeurs imbibés, et transporter de quoi se faire
des agapes et un
bivouac douillet dans une grotte, et on trouve des
cataphiles affutés qui vont
être les premiers acharnés à aller au camp avancé sous 20cm
de neige en
attendant le bon créneaux pour aller faire de la première
dans un gouffre
réputé. Bref la différence la plus évidente, un des lieux
est créé par l’homme
pour l’homme, la carrière pour extraire la matière de
construction, et l’autre
est créé par l’eau qui s’infiltre, mais la vie s’infiltre
aussi. L’homme n’est
pas le premier à s’y être faufilé. On trouve quelques mêmes
bêtes cavernicoles
dans les carrières et dans les gouffres. Les petits
crustacés tels les niphargus,
qui étaient là antérieurement
aux carrières dans les interstices karstiques et eaux
souterraines, se
retrouvent malgré eux habitants des carrières. La vie
colonise tous les
interstices. Pour augmenter ses chances de survivre. Les
sous-sols sont des
conditions de vie relativement austère, peu d’apports
nutritifs, pas de
lumière, peu de densité vivante. Mais c’est un refuge
physique, il y a moins de
prédation, moins de compétition pour les ressources. La
lumière est un mutagène
puissant dont ce refuge protège. Les conditions y sont
stables pour ce qui est
de la température et l’humidité. C’est une niche écologique.
Elle a ses
avantages. Elle est squattée.
Dans les kta il y a un concept d’aménagement des lieux qui est
très
présent, les squats. Pour manger, dormir, confortablement.
Dans les grottes il
y a les bivouacs, les camps, des salles avec des noms tel
que la « salle
du réveillon » à la Baume des Crêtes, ou « salle
du bivouac »
aux Cavottes… Dans les gouffres, l'aspect sportif avec
progression sur corde
est plus dimensionner que de descendre dans un puits à
échelon en soulevant une
plaque. Mais certains cataphiles vont chercher à explorer de
manière
systématique les réseaux de Paris et alentour, et certains
ne sont accessible
que par corde. C’est hop on s’achète du matos et on met un
premier pied dans la
spéléo. Et en face il y a aussi des grottes qui se visitent
sans matériel de
progression sur corde, horizontalement. Bref on est sous
terre, et on aime.
Extrait du livre opération moins mille :




