Compte rendu de

Stage biospéléo 12-13 septembre 2020

 

Le stage s'est déroulé sur deux jours, à base de conférences, travaux pratiques en déterminations taxonomiques, et initiation à la biologie moléculaire. Voici le programme ci-dessous, et les supports de cours des conférences, ainsi qu'un compte rendu des travaux pratiques.

Les ateliers des TP d'identification ont été préparés au cours de ce mois d'août à partir de spécimens prélevés in situ. Un grand merci au Conservatoire des monuments historiques du domaine de Saint-Cloud de nous avoir autorisé l'accès à la carrière de calcaire du domaine et à Mr Guy C. de nous avoir laissé prospecter dans son petit bout de carrière de calcaire à Sèvres. Nous leur enverrons un inventaire biologique des carrières respectives une fois les identifications terminées.

Merci également aux aides et intervenants bénévoles, Gyom (graphisme et logistique), Christophe Hervé (tp atelier araignées), Sofiane (tp biologie moléculaire), Christian pour nous avoir montré une carrière qu'il connait bien et mutualisé ses binoculaires, Marina et Quentin pour le reste (tp, conférences, logistiques, administration, livrables...)

Merci à l'INPN, à la FFS et au cds94 de nous avoir soutenus.

Et enfin merci beaucoup aux 22 stagiaires pour leur patience, leur détermination (certains venus de Lyon, Orléans, et Belfort !), leur curiosité, et leurs divers commentaires qui nous ferons aussi progresser dans la démarche du projet Biocaf. De 18 à 71 ans, 50/50 cataphiles et spéléos, 50/50 hommes, femmes... pour venir écouter notre programme un peu dense, en passant par histoire des sciences, écologie, taxonomie, design expérimental, biologie moléculaire, ... et des petites sorties souterraines au cas où on serait encore pas trop fatigués.

Désolée encore pour les personnes qui souhaitaient participer, alors que le stage était déjà complet. Je crois qu'on devrait refaire une session. Mais on va déjà devoir digérer celle-ci, identifier tout ce qui est possible, envoyer des ptits colis de travail en rab à nos spécialistes préférés, saisir l'inventaire sur la base de données Cardobs, continuer les PCR, envoyer à séquencer, publier les séquences ADN dans la base de données Nucleotides, et publier les résultats autant que possible... et finir le coté administratif, ça c'est la partie la plus kafkaienne, pOuf pouf....

Pour des sessions récoltes, plus basiquement, on pourra en reproposer plus rapidement sur une organisation simple. Procurez-vous pinceau, pince, un pti carnet (thermomètres ou autres appareils de mesure si vous avez) et venez avec vos casques et lumières aux prochains rencards !

Nous avons pour le moment 143 taxons identifiés (à l'espèce ou au genre), observés dans 43 réseaux de carrières souterraines de calcaire grossier, gypse, craie, et sable, depuis 8 ans. L'objectif est de continuer de couvrir toutes zones souterraines accessibles, de former des néophytes et d'encourager les curiosités à observer la vie, (même chez les promeneurs clandestins habitués, étant donné les difficultés administratives de la région) et à répertorier toutes les espèces possibles. Mais aussi de décrire leur habitat respectif en commençant à réfléchir à des paramètres pertinents à utiliser (ph de l'eau, température ambiante, lumière, humidité de l'air, des matériaux, conductivité, courant d'air, présence de pollution dans le sol, etc...).

Augmenter le flot d'observations dans les carrières déjà prospectées permet de voir s'il y a des évolutions, des perturbations particulières qui peuvent affecter la composition des communautés souterraines (lors de travaux d'urbanisme, ou de fuites diverses depuis la surface), mais également de finir par découvrir des espèces plus rares, ou plus discrètes que l'on ne voit pas forcément du premier coup, plus difficile à croiser.

La science participative serait idéale à mettre en place étant donné la fréquentation humaine du sous-sol francilien, nous espérons continuer dans cette voie.

Nous essayons également de mettre en place une approche de taxonomie moléculaire pour développer une approche intégrative morphologie / génétique / écologie, de notre inventaire.

 

 

Samedi 12 septembre 2020

 

Conférence : L'histoire de la biospéléologie.

Quelles sont les premières observations de la faune souterraines par l'homme ? Quand cette faune si particulière a-t-elle commencé a attirer l'attention des biologistes ? Comment interpréter ces adaptations morphologiques si spécialisées au milieu souterrain.
Quels sont les différents acteurs et instituts qui ont construit cette discipline naturaliste ?
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Conférence : Ecologie et le peuplement du souterrain

Les classifications du vivant dans le monde souterrain, leur évolution et leur pertinence. Quelles alternatives proposer pour éviter les ambiguïtés ? Décrire le microhabitat des taxons souterrains et évaluer leur valence écologique. Quelles sont les caractéristiques biotiques et abiotiques du milieu souterrain ? Quels sont les différentes hypothèses sur l'origine du peuplement souterrain à différentes échelle de temps ?
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Conférence : Méthode d'échantillonnage, de recherche et d'observation de la faune souterraine.

Pourquoi faut-il faire un design expérimental avant de se lancer dans un inventaire ou un projet de recherche ? Quelle est la question scientifique ? Quel choix de méthode d'échantillonnage ? Quels sont les facteurs écologiques déterminants ? Quelles techniques de collectes utiliser pour échantillonner ?
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Conférence : Systématique et taxinomie (rudiments)

Quelques définitions de taxonomie classique. Qu'est-ce qu'une espèce ? Comment décrire et désigner une espèce ? Comment classer les taxons ? Catalogue des grands groupes rencontrés dans les carrières de Paris.
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Conférence : Taxonomie moléculaire : le barcoding

Qu'est-ce que le barcoding ? Les notions de biologie moléculaire dont on a besoin pour se servir de cet outil. L'ADN, la séquence ? Les mutations ?
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TP : identification à la binoculaire

7 ateliers de thématiques avec 2 binoculaires par atelier, des clefs d'identification et livres ciblés était à disposition. Le but était de remplir le plus précisément possible le tableau d'identification.

Livret stagiaire / clé d'identification kta /corrections id

   

TP : Extraction d'ADN

une extraction d'ADN par précipitation alcoolique, en vue de faire une PCR d'un gène marqueur pour faire du barcoding.

TP protocole

   
   
  Dimanche 13 septembre 2020
   


(photo Panda)

Sortie terrain à Gagny, le matin.

Observation de faune, photos, prélèvements.

   

Conférence : les résultats de l'inventaire Biocaf, aujourd'hui.

Les caractéristiques écologiques des souterrains franciliens. Les résultats de notre inventaire (2012-2020), comparés à d'autres souterrains, comparés à l'inventaire de Balazuc (1945-1950).

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Inventaire de Balazuc (1951)

   

Conférence : Groupe taxonomique
Quand les escargots font carrière : premiers éléments de connaissance des malacofaunes cavernicoles d'Ile-de-France.

pdf# à venir.

   

Conférence : TP Biologie moléculaire partie 2

La PCR et la séquence, pour le barcoding.

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(photo Mathilde)

TP biomol part 2 : PCR

Amplifier les ADN extrait la veille, pour barcoder.

TP protocole

 

   

TP binoculaire : Tri sous binoculaire des échantillons collectés à Gagny, et étiquetage des tubes.

Inventaire à venir...

   

Résultat du gel électrophorèse :

10 specimens ont vu leur ADN extrait par les stagiaires,

5 ont été passés en PCR, 3 sur les 5 ont une bande qui amplifie à environ 700bp, ce que nous attendons!

C'est donc des échantillons tout prêt à être envoyé en séquence, la dernière étape du barcode.

 

 

Rencontre avec la faune souterraine

 

 

ADN en légo, structure en double hélice, et séquence virtuellement linéarisée.

 

pique-nique dans le parc à Fontenay-sous-bois

Maison des sports de Fontenay-sous-bois

 

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Audience sage dans la salle.

 

(photo de Pratik)

 

(Photo de Pratik)

 

(Photo de Bernard)

 

(Photo de Bernard)

 

(Photo Mathilde)

 

(Photo Pierre)

 

Affiche, cliquez pour agrandir :

> Infos pratiques

L'inscription au stage est obligatoire pour la bonne raison que nous limitons les places pour avoir le matos et la disponibilité nécessaire. Une participation de 10euros (pour les membres du cds94, les chômeurs, et les étudiants) et 15euros (pour les autres) est demandée pour valider votre inscription. Un chèque à l'ordre du cds94, à envoyer à mon adresse (Marina FERRAND, 27 av. Louis Pasteur 92220 Bagneux). Il ne sera encaissé qu'après le stage.

ici vous pouvez télécharger le dossier d'inscription à me retourner par mail ou par courrier.

dates : 12-13 septembre 2020

 

> Hébergement et repas

L'hébergement n'est pas prévu dans le stage. En 2018 les stagiaires provenaient tous d'Ile-de-France. Cette année des personnes souhaitent se déplacer de plus loin pour participer, si vous n'avez pas de solution d'hébergement et que vous n'êtes pas trop exigeants, nous pouvons éventuellement vous proposer des solutions de bivouacs, ...à discuter.

Les repas seront pris en commun sur le mode de l'auberge espagnole. Un buffet froid avec chacun qui apporte un pti truc à partager.

 

> Programme

Les horaires seront à confirmer, mais sur une tranche de 10h à 17h30.

Le stage comprendra, des petites conférences thématiques sur l'histoire de la biospéléo, les méthodes d'observation, d'échantillonnage et de recherche de la faune souterraine, les différentes approches de classification du monde vivant, et de la biologie moléculaire (s'intéresser à l'ADN, la notion de barcoding). Ces présentations seront accessibles à tous, aucun prérequis de biologie n'est nécessaire (je précise parce qu'on m'a posé la question). Mais aussi des travaux pratiques visant à observer, trier et identifier au plus précis que l'on peut sous binoculaire des specimens déjà collectés. Cette étape se fera à l'aide de clés d'identification illustrées, et avec l'aide de spécialistes. Mais également des travaux pratiques de biologie moléculaire (extraction d'ADN, PCR, observation de l'ADN sur gel électrophorèse).

Les parties conférences/TP auront lieux en salle à la maison des sports à Fontenay-sous-bois (RER A, arrêt : Fontenay-sous-bois)

Une sortie terrain pour échantillonner des individus aura également lieu lors de ce stage. Quelle carrière ? Inutile de demander, vous en saurez plus au moment voulu :) ...

Un programme plus détaillé vous sera communiqué prochainement.

 

Pour ceux qui ne sont pas disponibles pour participer à ce week-end mais qui sont quand même intéressés par ce projet et qui sont des habitués des sous-sols de la région vous pouvez aussi vous joindre à nous pour des sorties de prospection au mois d'août en nous contactant par mail pour être informé de nos prochaines sessions.

 

 

> Contexte et résultats préliminaires

Ces dernières années, nous avons conduit une petite investigation naturaliste amateur dans les carrières souterraines d'Ile-de-France, au fil des rencontres de spéléo, scientifiques, et curieux qui voulaient bien participer. Cette idée de projet se place dans un contexte particulier. A l'heure où la biodiversité urbaine est un thème très en vogue, la faune des carrières franciliennes reste méconnue. L'ignorer dans un environnement en violente évolution avec les grands projets d'urbanisation, la construction du Grand Paris, et les reconditionnements des déblais de ces chantiers dans les vides abandonnés, consisterait à balayer sa poussière sous le tapis et fermer les yeux. Depuis longtemps nous avons pris conscience que l'occupation humaine engendre des dégradations sur le milieu, il est important d'évaluer les menaces encourues par l'écosystème pour orienter les politiques de gestion et protection de la nature. Les résultats de notre inventaire permettront d'alimenter les cartes d'aire de répartition des espèces pour la région Ile-de-France et de mettre en évidence la présence d'espèce rare ou protégées.

L'avantage des cavités artificielles est le même que celui des cavités naturelles, il permet d'accéder à l'échelle humaine à un regard sur la faune habitant un massif calcaire, et sur les eaux souterraines. Un des freins à ces projets est la difficulté des spéléologues et scientifiques d'obtenir des autorisations pour accéder légalement à ce milieu dans notre région. Nous avons malgré tout réussi en septembre prochain à organiser un stage officiel dans les calendriers de la FFS en allant dans une carrière chez un privé nous en donnant l'accès et l'autorisation.

Depuis le début de notre investigation, nous avons collectés 137 taxons (pour ne pas dire espèces car certains spécimens ne sont pas encore identifiés à ce niveau de précision, mais bien différents les uns des autres), dans 22 carrières d'Ile-de-France. Les milieux sont principalement des carrières de calcaire, mais quelques-unes sont de gypse, de sable, ou de craie. Parmi les spécimens, on a quelques vertébrés, grenouilles, chauve-souris, rats, quelques mollusques, et annélides, et une majorité d'arthropodes. Parmi les arthropodes, le groupe majoritairement trouvé en terme de diversité sont les arachnides (33%), suivi des insectes (29%), les autres groupes plus minoritaires sont les malacostracés, diplopodes, chilopodes, collemboles et diploures. Les pourcentages peuvent être biaisés par rapport à la vraie proportion car certains animaux fuient avec la lumière qui nous précède (comme les insectes volants), alors que les araignées sont relativement immobiles sur leur toile. 12% des espèces trouvées en carrières sont synanthropiques, c'est-à-dire des espèces (non domestiques) dont la relation/cohabitation avec l'humain est durable et établit (rats, blattes, pholques, veuves des villes…). Celles-ci ne sont pas des représentants spécifiques de la faune souterraine, mais associées aux milieux urbains. Il y a également des cas d'espèces exotiques ayant trouvé acclimatation dans le sous-sol, Tachycines asynamorus (la sauterelle de serre), provenant de Chine, et introduite par le biais des serres tropicales à Paris dès le début des années 1900. Elle a une population établie depuis dans les carrières sous la place d'Italie et Psilochorus simoni , une petite araignée troglophile, provenant des Etat-Unis, exportée avec du matériel dans le laboratoire de botanique à la Sorbonne au début du XXème siècle. Celles-ci sont des cas un peu particuliers de peuplement souterrain récent, associé aussi à la présence humaine. Parmi les classes souterraines d'espèces on compte, 55% des espèces sont trogloxènes (elles sont des hôtes accidentels du sous-sol, mais peuvent y survivre), 11% sont endogées (vivant dans la partie superficielle du sol, mais se retrouvant marginalement plus bas en empruntant des fissures), 35% sont des troglophiles (hôtes électifs des souterrains, ayant quelques adaptations), 5% sont troglobies (hôtes exclusifs et permanents du souterrain). Parmi les espèces trogloxènes il y a des espèces euryèces, c'est-à-dire ayant une très forte valence écologique. Elles sont capables de s'adapter à beaucoup de type de milieu. Mais on les retrouve également souvent en surface dans les parcs ou les caves (exemple : Androniscus dentiger , Lithobius forficatus …) Les plus spécifiques du sous-sol appelées aussi cavernicoles, regroupent les troglophiles et les troglobies. Par exemple on trouve des araignées, la fréquente Kryptonesticus eremita , ou la plus rare Leptoneta olivacea endémique des grottes du Vars. Une hypothèse serait qu'elle fut introduite par le matériel de décoration de l'exposition minière souterraine de l'exposition universelle de 1900 sous le Trocadéro (Balazuc 1962, Dresco 1983). Parmi les troglobies strictes nous avons trouvé des Niphargus (Niphargus plateaui ), dans le GRS mais également dans une carrière à Romainville dans laquelle Balazuc avait connaissance de sa présence dans les années 40 (Biologie des Carrières Souterraines de la région parisienne, 1951, Balazuc). Cette espèce est sur la liste rouge des crustacés d'eau douce de France métropolitaine (catégorie LC). Nous avons également trouvé un pseudoscorpion troglobie aveugle Ephippiochthonius sp., probablement celui déjà évoqué par Armand Viré. A noté que la majorité des spécimens troglobie ont été trouvés dans les carrières sous Paris qui ne comprend aucun cavage, et à Romainville, qui était longtemps non accessible ni par cavage ni par puits.

Le peuplement d'espèces trogloxènes augmente avec l'intensification de la présence humaine, mais dépend également de la taille des ouvertures vers l'extérieur (cavage / puits fermé d'un tampon). La biodiversité augmente mais avec des espèces trogloxènes, et synanthropiques, de grande valence écologique qui entrent en compétition avec les espèces troglobies ou troglophile peu habituées (Le paradoxe de la biodiversité du milieu souterrain, 2010, Marie-José Turquin).

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