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Vandalisme et Patrimoine, Deux concepts intimement liés. 

Dans les carrières de Paris et proche banlieue.

Partie 2 : Aménagements, destructions, et valorisation

 

1.1. Aménagements officiels

1.1.1. Architecture consolidatrice souterraine

Au 18ème siècle, les deux premiers inspecteurs des carrières en particulier, mais également François Mansart sous le Val de Grâce (à partir de 1638), s’efforçaient à l’exercice de consolidation par une architecture dont l’esthétisme était de mise, même si ces lieux n’avaient pas vocation d’être montré (Arc brisé au tiers point, arc en plein cintre, voute en encorbellement, escaliers massifs, fontaine d’étiage).

Est-ce vraiment un souci d’esthétisme ou tout simplement les seules méthodes disponibles de soutènement à cette période que l’on trouve esthétique de notre prisme contemporain nostalgique, par leur cachet vintage sans béton et plus rare dans les nouvelles constructions ?

19ème siècle, début 20ème le paysage urbain est marqué par la révolution industrielle, et le sous-sol trouve aussi se trouve consolidé avec d’autre technique, mur de consolidation avec mortier, utilisation du métal, et de plus en plus de béton, puis béton armé. Plus besoin de voute puisque les planchers droits en béton armée sont plus rapides à mettre en place. Ces techniques sont moins couteuses en temps et en matériaux et tout aussi efficace.

Depuis les années 1970, la sécurisation du sous-sol est maintenant gérée sans possibilité d’inspection, par injection de béton liquide pour combler les vides.

 

 


Arc brisé

 


Arc en plein ceintre, beaudeau en tas de charge (Mansart) – Photo Gaspard Duval

 


Plancher droit porté sur encorbellement et surmonté d’un arc de plein ceintre


Plancher droit porté sur encorbellement (Guillaumot)

Fin XVIème, début XVIIème siècle les cabinets de curiosités vont commencer à devenir un effet de mode en Europe, ancêtres des musées. Au début du XIXème siècle, plusieurs cabinets de curiosité seront aménagés dans les carrières de Paris.
Dansouvrage Description des Catacombes de Paris (1815), de Héricart de Thury, il est mentionné 7 cabinets de curiosités dans les carrières souterraines parisiennes, dont 6 de minéralogie. Extrait : " ... nous ayons étable, au milieu des carrières mêmes, plusieurs grandes et belles collections minéralogiques, uniquement composées des matières, accidens et coquilles ou autres fossiles que présentent ces carrières. "
Les six cabinets minéralogiques des carrières parisiennes sont les suivants :
- dans le musée des Catacombes * (Cabinet de M. Gambier-Lapierre)
- sous la barrière St-Jacques ** (Cabinet de M. Gambier)
- sous la rue ND-des Champs *** (Cabinet de M. Lhuillier)
- sous la route de Fontainebleau **** (Cabinet de M. Toudouze)
- sous le jardin du Luxembourg ***** (Cabinet de M. Jubin)
- sous le Faubourg St-Marcel ****** (Cabinet de M. Guérinet)

Certains sont toujours visibles, mais interdit d’accès, d’autres ont été détruit, et parfois restauré par les cataphiles, et d’autres sont encore non découvert comme le Cabinet de M. Jubin.
 


Cabinet de M. Gambier

 

Quelques fontaines souterraines sont édifiées à partir 1815 par Héricart de Thury, elles permettent de visualiser les mouvements du niveau des eaux souterraines. Elles sont généralement composées d’un bassin, avec un escalier y menant, et une échelle d’étiage.
Exemple : La fontaine des Chartreux (1819) ; la Fontaine Sainte Marie (Dans la carrière des Capucins), la fontaine de notre dame des champs (Bar des Rats), La fontaine de port Royal (salle des Cubes) ; La fontaine de la Samaritaine (Ossuaire municipal).


Fontaine des Chartreux

 

1.1.2. Les salles de repos d'ouvriers de l'IGC

Elles ont probablement été aménagées en même temps que les travaux de consolidation à partir de 1777. Ce sont en quelque sorte les prémices de « squat » cataphiles modernes, fait par les ouvriers du souterrain. On en citera quelques-unes : la salle des Carriers sous la place d'Italie (qui ne date pas des carriers), le bureau du Centre sous le cimetière Montparnasse, la salle Page, sous le boulevard Jourdan, Cabi-bis rue Saint-Jacques, "l'Atelier" sous la place du Costa-Rica. Celles-ci sont aménagées de bancs de pierre pour se reposer, parfois de tables ou tablar, des emplacements de charnières suggèrent une ancienne porte pour isoler, des crochets pour pendre des lampes ou vêtements.


"l'Atelier", salle de repos sous la place du Costa-Rica

 

1.1.3. Les aménagements de Défense passive

Dans la crainte entre deux guerres d'un péril aérien ou de bombardements et attaques chimiques, quelques abris de défense passive ou bunkers ont été aménagés profondément, dans les carrières de Paris. Ces abris comprennent de nouveaux murs maçonnés et remplacent les anciens vides. Ils ont donc possiblement fait disparaître des vestiges plus anciens, comme par exemple le cabinet de minéralogie de Mr Jubin qui se trouvait sous les jardins du Luxembourg, où se trouve maintenant le bunker allemand et abri de pharmacie.

 


Porte blindée d’une entrée du bucker allemand dans les carrières de Paris sous le lycée Montaigne.

 

2.2. Aménagements et restaurations clandestines

 

2.1.1. Les aménagements de Décure

François Décure, de son pseudonyme Beauséjour, est un ouvrier carrier de l'Inspection des carrières (IDC), et ancien vétéran de l'armée. Il travaillait en cachette dans une galerie inférieure, son reclusoir, dans le secret de tous ses collègues au début, à ses heures perdues pendant 5 ans (de 1777 à 1782), aménageant des pièces ornées de sculptures. Il allait dans son aménagement manger le midi, seul, alors que ces collègues remontaient en surface. Il reproduisit des paysages environnant la caserne dans laquelle il fut emprisonné durant son service : Port-Mahon, Port Philippe, Quartier de Caserne. Ces sculptures somptueuses sont présentes dans l'ossuaire officiel des catacombes, on en trouve une petite partie dans le bout de la galerie Dareau dans le réseau clandestin. Au sol de la salle Quartier de Caserne il avait aménagé un dallage en damier avec des silex noirs (provenant d'une carrière de craie de Meudon). C’est en voulant construire un escalier de sa salle vers la galerie inférieur d’un éboulement se produisit et qu’il fut blessé et mourut. Ces sculptures de Décure furent endommagées pendant les deux sièges de Paris, elles furent restaurées en 1871.


 


 

2.2.1. Réalisations du 19ème

Les réfugiés politiques insurgés, et autres malandrins, s'organisaient aussi pour passer leur séjour plus confortablement dans leur refuge souterrain. Ils aménageaient donc des petites salles avec au minimum des banquettes pour s’assoir, des toiles de hamac pour dormir, des tables pour manger. Une gravure de la collection du musée Carnavalet, Souper aux carrières d'Amérique, de Méaulle, Fortuné Louis (Angers, 11 avril 1844 - 1901), témoigne que le « squat » cataphile existait déjà bel et bien au 19ème siècle. Ces carrières sous les Buttes Chaumont sont aujourd'hui complètement comblées par foudroyage.

Si les salles occupées par les clandestins ont pu disparaitre (déplacement de ce mobilier minéral) ou être détruite, il en subsiste certaines décorations sporadiquement dans le réseau souterrain.

 

Ici une sculpture de 1851 sous la cité universitaire.

 

2.2.3. Aménagement cataphile contemporain

Le mot cataphile serait publié pour la première fois dans l'essai La Cité des Cataphiles de Barbara Glowczewski en 1983 pour désigner les clandestins du sous-sols contemporains. Les aménagements ont toujours existé depuis que les hommes font des séjours prolongés sous terre, néanmoins, une nouvelle vague d’aménagement souterrain est marquée par les années 1980 avec la hausse de fréquentation clandestine et la nécessité d’avoir des lieux conviviaux pour s’assoir dans le confort autour d’une bougie et d’un verre pour trinquer. Bien entendu ce ne sont pas les premiers squats, mais ceux que l’on voit encore aujourd’hui de plus ancien (excepté le Décure, mais qui est dans la partie officielle maintenant). Un cataphile, Gégé, lance la mode des mosaïques, sculptures et volumes en enduit dans les salles, comme décoration alternative à la bombe de peinture.

la salle du château avec ajout de gargouilles en volume.

Est-ce qu'un « squat » cataphile a sa place n’importe où ? Au milieu d'un ancien bassin à chaux d'ouvrier de l'IGC? Le simple aménagement cataphile de n'importe quel type n'attire-t-il pas d'autres cataphiles, et donc des destructeurs, ou des poubelles abandonnées ? Voilà des débats qui divisent les clandestins impliqués dans de telles initiatives. Les aménagements sont parfois détruits quand ceux-ci ne tombent pas d'accord, ou lors de règlements de comptes, de jalousies, entre Cataphiles. On entendra dans les couloirs "qu'ils ne savent pas comment attirer l'attention, alors ils détruisent". D’autres ivres, seront maladroit ou trop véhéments, et feront des dégâts sans préméditations. Exemple : une série de destructions fut constatée en 2011 : tag de peinture sur la stèle de Philibert Aspairt, et sur les aménagements récents : la destruction du château, décapitation du bélier sculpté et ablation des seins et de la chatte sculptée de Misti, destruction du Passe-muraille dans la même journée. Pseudo apposé pour accuser une personne ciblée. Puis, d'autres personnes reconstruisent. Les puristes du souterrain ne souhaitant aucune modification du lieu, appellent les salles cataphiles des "tags en 3D". Cette appropriation du lieu n’est pas vu d’un bon œil par l’administration ni les associations et défenseurs du patrimoine. Le plaisir des puristes est de retrouver les carrières dans l'état d'abandon le plus intact depuis l'ancienne activité, des vieilles machineries rouillées, aux ordures d'époque (archéologie industrielle). Chose encore observable dans des recoins de carrières de banlieue peu fréquentées ou isolées. Malgré tous ces constructions et expressions artistiques cataphiles sont l’expression d’une culture populaire associée à cette génération, la cataphilie de masse du 21ème siècle et sa créativité associée, et dans les générations à venir fera peut-être office de vestige archéologique. A partir de quand glisse-t-on de vandalisme à patrimoine, la question n’est pas simple.


Salle du bélier détruite avec le bélier sculpté décapité.

 

2.2.4. Mise en valeur et reconstitution d’édifices abandonnés

Un certain nombre de chantier clandestin ont vu le jour à partir de la fin des années 80 pour redécouvrir ou reconstruire d’ancien ouvrage abandonnés, démontés ou remblayés. Ces chantiers principalement prospecté par la présence de ces ouvrages sur des vieilles planches IGC (1855) et par bibliographie ou recherche d’archives.


En voici quelques exemples.


Durant les années 1980 :
- Découverte de la salle des Cubes, une fontaine d’étiage, grâce au percement d’une chatière.
- Ouverture du cellier, un sous-sol d’ancienne brasserie désaffectée depuis la rue de la voie verte. Celui-ci contenait encore les anciennes bouteilles de bières et de limonade Dumesnil.
- ouverture de plusieurs ossuaires par des chatières.
- 1985 : curage et restauration de la fontaine d’étiage de notre dame des champs, publication d’un dossier.
- 1987 : Accès aux anciennes usines craie Robert
- 1988 : chatière est (st jacques) d'accès du Val-de-Grâce
- 1989 : ouverture chatière nord de la salle Z
- 1989 : Percement de la PC (SERNAM)
Dans les années 1990 :
- 1992 : Réouverture du bunker allemand
- 1995 : restauration Gambier Major. : la marche et le banc retaillé par un tailleur de pierre cataphile.
- 1998 : redécouvertes du double cabinet minéralogique Lhuillier. Jusqu’en 2005 un groupe de passionnés a restauré ce patrimoine rare et fragile. La porte était obstruée par une colonne de béton et la pièce avait été comblée de remblais par l'IDC lors de travaux de consolidation de la faculté d'Assas, et les escaliers démontés.

 

double cabinet minéralogique Lhuillier

Durant les années 2000 :
- Redécouverte du Cabinet Toudouze, situé sous le XIIIé arrondissement. La pièce avait été remblayé et soutenue de piliers en meuliere lors des consolidations du métro (vers 1914-1920), et l’escalier central n’existe plus (démonté ; et les pierres réutilisées dans des consolidations).
- Redécouvertes du cabinet et Guérinet.
- Ouverture de la brasserie du méridien rue Dareau, par le percement de chatière.

Cabinet Toudouze

Découverte après 2010 :
A partir de 2015 : Les bassins à chaux : composé d’un puits à eau permettant d’atteindre la nappe phréatique, et de deux bassins maçonnés : un bassin à éteindre la chaux vive qui été apportée de la surface, et un bassin réservoir toujours situé en contrebas du premier. Ils ont été remblayés après la fin de leur utilisation par l’Inspection. Cette chaux éteinte servait dans les différents chantiers de consolidation alentour.
2019 : percement d’une chatière vers le réseau Courbet à Bagneux.

 

 

Le déblaiement d’anciennes salles permet parfois la découverte d’ancien artéfact des derniers siècles : pièces de monnaie, pipe en terre, ancienne lampe à acétylène, couverts, poterie, bouteilles en verre, chaussure en cuir, céramique, plaque de consolidation inscrite.

 

Lampe acéthylène de champignonnistes

 

 

3. Prise de conscience des dégradations sous Paris
Avènement de la volonté de protection

3.1. Hausse de la fréquentation clandestine : dégradation des graffitis anciens

Les catacombes de Paris ont toujours été fréquentés par des clandestins, la tombe de Philibert Aspairt est là pour en témoigner. Philibert était portier du Val-de-Grâce et s’est perdu dans les catacombes alors qu’il n’avait rien à y faire officiellement (soi-disant pour chercher le trésor des chartreux). Il mourut et fut retrouvé et inhumé sur place 11 ans plus tard (le 30 avril 1804) par des ouvriers de l’IGC.


Le 9 mai 1777, une citation du prédécesseur de Charles Axel Guillaumot, Antoine Dupont, disait : « Nous avons des gens qui viennent la nuit et les fêtes dans nos carrières. Ils débouchent les puits. J’ai le nom de trois d’entre et la demeure de deux que je viens de donner à M. le lieutenant de police. »

Il est dit qu’une hausse de fréquentation clandestine serait parvenu dans les années 1980 et n’aurait cessés d’augmenter, provoquant des dégâts sur les vestiges fragiles que présentent les murs graffités. Les passionnés des inscriptions datant de plusieurs siècles nomment les graffeurs modernes et frotteurs de vestiges les "Cataclastes". Ce terme a été utilisé par la première fois par Jacques Chabert dans son article de Spelunca "Le combat des Cataphiles contre les Cataclastes" (1985). Il dénonce la sur-fréquentation de ce milieu clandestin comme responsable de cette détérioration du patrimoine souterrain. Hausse de la fréquentation qu’il pense due aux publicités faite par le livre de sociologie « la cité des cataphiles » (Barbara Glowczewski, Jean-françois Matteudi, Violaine Carrère-leconte, Marc Viré) publié en 1983 dans lequel le terme cataphile apparait pour la première fois. Après ça, un article mythique est sorti dans la revue l’Echo des Savannes n°14 en octobre 1983 : sous Paris, ça grouille.
La hausse de fréquentation des années 1980 serait aussi induite par la popularisation de la photocopie et la diffusion de plan facilitée par ce biais. Couplé à cette hausse de la fréquentation, les graffiteurs ont une logistique plus légère avec la popularisation des bombes aérosol à partir des années 1970. Peintures recouvrant les anciennes écritures, frottage volontaire ou non des murs écrits... se dégradent les dégradations du passé.

Le phénomène est devenu probablement plus visible du fait de son intensification. Plus de monde, mais pour quelle raison ? Est-ce qu’il faut présenter les chiffres de l’accroissement de la population parisienne pour voir si cette augmentation est simplement proportionnelle ?

 

Quelques années après ces publications, les catacombes seraient devenues un sujet en vogue des émissions télé, en voici quelques exemples :
- Catacombes, les souris dansent, diffusé lors de l’émission Dimanche Magazine le 29 janvier 1984 ; sur antenne 2
- Nightclubbing : agenda des soirées parisiennes dans Lunettes noires pour nuits blanches, le 14 janvier 1989, sur antenne 2.
- Rap et Tag, diffusé lors de l’émission Envoyé spécial, le 19 avril 1990, sur antenne 2.
- La faune étrange des sous-sols de Paris, diffusé lors de l’émission 52 sur la Une, le 1er juin 1990, sur TF1.
Beaucoup de cataphiles des années 90 témoignent avoir commencés à descendre après avoir vu une émission TV. A partir des années 2000 c’est internet qui incite les curieux à descendre, avec les forums, site Web et plan numérisés, et après 2010 les réseaux sociaux, et vidéos youtube.
Mais à cette période s’éveille également un intérêt grandissant pour les graffiti les plus anciens et leurs études et inventaire.

Les grattifi sur les monuments historiques sont étudiés scientifiquement ou par des universitaires dans d’autre contexte (en surface...). Inventaires, photographie, travaux de relevé (retranscrire les dessins sur une photo, reproduction à l’échelle 1/1), méthodologie d’imagerie par onde térahertz (LRMH et C2EMF), scan 3D, caractéristique typographique, datation du graffiti (par la coiffe et la tenue vestimentaire, si c’est un personnage dessiné), la morphologie de l’écriture… Une véritable enquête scientifique...
Lors de la restauration de monument historique, le choix peut être fait de les conserver et stabilisé. Ceci ne peut pas être mis en œuvre dans les catacombes de Paris, sachant que la culture populaire contemporaine est toujours très implantée dans ces lieux, chaque génération continue de marquer son passage, et que les administrations compétentes n’ont pas la volonté de le considérer comme patrimoine à protéger.

 

3.2. Valorisation des carrières par voie associative, inventaires et publications

 

Les pionniers de la publication d’un inventaire de graffiti des carrières de Paris connu à ce jour sont le Groupe Parisien de Recherches Souterraines (GPRS) en 1983. Ces inventaires contenaient notamment les galeries sous les rues de : Tournon, Rotrou, Latour, Bvd Arago, Lubeck sud/nord, de l’essai, de l’Lhomond, boulevard Masséna, la carrière de Charenton liberté, et la carrière de St Cloud.
L’association SEHDACS (Société d'Etudes Historiques Des Anciennes Carrières et cavités Souterraines créé en 1979, devenue SEADACC : Société d’Etude et d’Aménagement des Anciennes Carrières) a également fait un travail d’inventaire des graffiti depuis les années 1980, des articles sur l’histoire des carrières de Paris sont publié dans les LIAISONs SEHDACS.  Il gère la restauration et font des visites guidées depuis 1983, de la carrière des Capucins, sous l’hôpital Cochin. Cette carrière fut isolée du reste du réseau par des murages pour éviter les intrusions et dégradations.
D’autres associations ayant eu un rôle dans la valorisation du patrimoine historique des carrières de Paris et proche banlieue :
SAHS : (créé en 1981) société archéologique et d'histoire de Sèvres, qui fait des visites guidées de la cave carrière du roi.
OCRA : (créé en 1992) Organisation pour la Connaissance et la Restauration d’Au-dessoubs-terre, avec ses visites guidées de la carrière Delacroix à Ivry-sur-Seine et brasserie Dumesnil.
PICAR : (créé en 1989) Institut de sauvegarde et de réhabilitation du patrimoine Industriel des carrières, qui font des visites guidée du treuil de la carrière Auboin à Châtillon.
GESCAS : (créé en 1984) Groupe d’étude scientifique des Carrière et Applications souterraines. Qui a fait la demande de classement du site des carrières de Port Mahon.
CAPRA (créée en 1976, dissolue en 1978) : Cercle Amical et philanthropique  de recherches anciennes. Avec son président Marc Viré qui faisait des visites conférences des carrières du jardin des plantes. Inventaire des plaques gravées.

Gilles Thomas, spécialiste des souterrains, fonctionnaire de la mairie de Paris établit plusieurs inventaires détaillés thématiques à partir de 1986, qui sont archivés dans les institutions respectives :
- L’école des mines : Contribution à l’inventaire des inscription d’intérêt historique relevé dans les anciennes carrières sous Paris, de la fréquence des carrières de Paris par les élèves de l’écoles des mines lors de la 2ème moitié du 19ème siècle. 1994. (50pg) ;
- L’école centrale : Travaux pratique de l’école centrale des arts et manufacture de Paris (ECP) dans les anciennes carrières sous Paris, jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale, ébauche d’une étude historico-sociologique. 1995-1996 (115pg)
- L’inspection générale des carrières : En descendant la rue (St) Jacques, Pèlerinage historico-topographique dans l’ossature majeure du grand réseau sud. 1997-2000.

Plusieurs conférences voient dans leur programme l’aspect historique des carrières de Paris :
-  Colloque sur les carrières souterraines à Maastricht (1986)
- 2ème symposium international sur les carrières souterraines, Paris-Meudon, (8-13 juillet 1989)
- Premières rencontres Graffiti anciens, par l’association de sauvegarde du patrimoine Archéologique et glyptographique (ASPAG) à Loches (2001).

Si les clandestins ont un rôle dans la dégradation de ces objets historiques, ils peuvent aussi avoir une carte à jouer dans leur mise en valeur et leur reconnaissance en tant que patrimoine.
Le patrimoine peut être reconnu à une échelle plus locale par la conservation et mise en valeur par des associations par le biais d’exposition, de visites conférence, mais aussi colloques thématique et de publications d’individuels.

 

3.3. Mise en valeur scientifique du patrimoine

De nombreuses publications paraissent sur l’aspect historique, dans toutes sortes de revues, (annales de l’écoles de Mines, Géo Histoire, 13 du mois, Le pti futée magazine, connaissances des arts, Spelunca, National Géographique, Liaisons…) ; mais également par le biais de recherche publique (INRAP), sur l’archéologie des carrières ; et organisation de séminaire (LAMOP).

De leur côté les cataphiles s’affairent à faire des cartographies actualisées de la moindre carrière ; des reconstitutions 3D, des inventaires des plaques de consolidations, des inscriptions, des salles, de la faune vivante, mais aussi des projets de système d’information géographique (IGC portail) …

 

4. Tentative de protection par voie officielle

4.1. Quelques sites souterrains classés en Ile-de-France

Carrière souterraine du chemin de Port-Mahon à Paris
Patrimoine architectural (Mérimée)
Etat exceptionnel de préservation de cette ancienne carrière d'extraction du calcaire dont l'exploitation est attestée dès avant 1492. Carrières à double étage creusées à partir du 14e siècle ; inscriptions de carriers du 16e siècle.
Inscrit MH partiellement, classé MH partiellement, Protection partielle
1993/05/18 : inscrit MH partiellement ; 1994/01/04 : classé MH
Ce site qui faisait partie à l’origine du parcours de visite du musée des catacombes n’a jamais pu réaliser de projet muséologique depuis qu’il est classé.

Catacombes de Paris
Les catacombes de Paris sont un site inscrit à l’inventaire du patrimoine géologique depuis 1975.

Carrières à Conflans-Sainte-Honorine
Patrimoine architectural (Mérimée)
Appelé aussi la carrière des anglais.
Si l'extraction de la pierre est une activité traditionnelle à Conflans, celle-ci a vraiment connu un fort développement au XIXe siècle pour deux raisons essentielles, d'une part l'interdiction à partir de 1776 d'ouvrir de nouvelles carrières à Paris, d'autre part la découverte, dans le courant du XVIIIe siècle du " banc royal "
Des visites guidées sont organisées régulièrement notamment aux journées du patrimoine.
Herblay Patrimoine

Carrière du Val de Grâce
Le Val de Grâce fut classés comme spécifié dans l’arrêté la «Totalité du sol et du sous-sol des parcelles contenant les fondations de l'ancienne abbaye ; escalier dit de Mansart ; trou de service du Pavillon de la Reine ; carrières souterraines ainsi que les graffiti et inscriptions topographiques (cad. 05 : 03 BE 36 ; 05 : 03 BF 80) : classement par arrêté du 1er mars 1990 »
Les carrières du Val de Grace demeure à l’état de friche urbaine depuis son classement de 1990.

Carrière des Capucins à Paris
Monuments historiques,
Patrimoine architectural (Mérimée)
Fontaine des Capucins est classée monument historique en 1990
Le puits et l’escalier de descente, et la carrière elle-même inscrite (1999 et 2004) mais non classé. L’hôpital a fait des travaux de consolidations, nécessitant quelques injections. Le Site n’a pas été épargné par une fuite d’injection dans la partie musée.
Des visites guidées sont organisées sur demande en contactant l’association SEADACC.

Carrière Arnaudet à Meudon
le 7 mars 1986, Laurent Fabius, Premier Ministre, Jean Auroux, ministre de l’Equipement, et Huguette Bouchardeau, ministre de l’Environnement, signent un décret qui sera publié au Journal Officiel du 14 mars : ce décret classe les galeries, au motif que « la conservation du site des carrières de craie souterraines de Meudon présente, en raison de son caractère scientifique et artistique, un intérêt général au sens de l’article 4 de la loi du 2 mai 1930 
Inventaire national du patrimoine géologique (INPG)

Treuil de Châtillon
Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques

 

4.2. L’ossuaire municipal, musée de la ville de Paris

Les catacombes de Paris, comportent deux parties, une partie musée ouverte au public, l’ossuaire municipal, et une partie sauvage interdite d’accès. La partie clandestine des catacombes de paris représentant plus d’une centaine de kilomètres de galeries (par rapport au musée des catacombes qui représente moins de 2km), renferme des tas d’anciennes inscriptions. Mais cette partie est laissée à l'abandon, sans tentative de valorisation officielle.
Les premières visites réglementaires commencèrent un an après la création de l’ossuaire municipal, en 1810 avec pour guide des chefs des ateliers de l’inspection générales des carrières (IGC). La partie musée a aussi eu des vandalisations très tôt. Dès cette époque Emile Gérard mentionne que « les galeries des carrières et l’ossuaire furent dégradés par des gens peu scrupuleux ». En 1830, l'ossuaire victime de son succès s'est vu fermé temporairement à cause de dégradations. Plusieurs années après, le musée a ouvert à nouveau mais avec une limite de quatre visites par an pour éviter la fréquentation excessive.

Au départ les deux parties (officielles et sauvage) n’étaient pas cloisonnées ni murées et les guides officiels emmenés leur touriste au grès de leur inspiration. On trouve un vestige de ce parcours dans la partie officielle et clandestine : une large ligne noire (tracé au goudron au 19ème siècle) qui serpente le long du ciel de la carrière. Il servait de fil d’Ariane au visiteur égaré.
Il n’est pas facile de protéger ou de mettre en valeur les écritures anciennes sur le mur, sachant que ces traces sont très fragiles, (au noir de fumée, au crayon, à la sanguine, ou gravées à la pointe d’un couteau), que les galeries sont étroites, et que les visiteurs peuvent les effacer par mégarde.
Les anciennes inscriptions sont des objets historiques, oui, mais à partir de quand est-ce assez ancien pour être considéré comme tel ? Les traces relatant une époque révolue ? Une guerre terminée ? Les pionniers de la cataphilie ? Les pionniers du graffiti street art?

Des personnels de l’inspection générale des carrières ont publiés des ouvrages de référence mettant en valeur l’aspect historique de ce lieu, Description des catacombes de Paris de Héricart de Thury (1815), et Paris souterrain d’Emile Gérards (1908).  L’intérêt des instances officielles pour le patrimoine historique souterrain a laissé place à une préoccupation technique prioritaire de mise en sécurité et prévention des risques.

 

 

4.3. Expositions temporaires sur les carrières

Quelques expositions temporaires ont eu lieu dans le passé, pour mettre en valeur les carrières ou catacombe de Paris.

En 1900 à l’occasion de l’exposition universelle : Une des parties de l’exposition sur le thème des souterrains se tenait en sous-sol du Trocadéro, dans les carrières. Elle comprenait deux volets : L’Exposition minière souterraine (démonstration du savoir-faire dans le cadre de l’exploitation minière des richesses minérales) et le Monde souterrain (présentation des richesses archéologiques et patrimoniales souterraines).

En 1977 : anniversaire des 200 ans de l’IGC, la mairie de Paris a organisé à l’Hôtel de Ville une exposition photo et document d’archive avec notamment des explications sur les travaux de consolidation et de cartographie du sous-sol.

De décembre 1990 à avril 1991 : Exposition « Les dessous de la ville : Paris souterrain » au pavillon de l’Arsenal. Cette exposition reprenait les aspects multiples des différents souterrains de Paris avec originalité (technique, historique, scientifique, artistique). Mise en avant d’une scénographie reprenant l’ambiance sonore, lumineuse, des souterrains. Commissariat scientifique et scénographie : François Confino Jacques Le Disez.

De janvier à juin 2013 : Exposition « Des carrières et des hommes » sur les techniques et patrimoine associés au service de l’Inspection générale des carrières. Organisé par le musée des Arts et Métiers

 

Conclusion

La valorisation du patrimoine souterrain paraissait une préoccupation officielle il y a deux siècles passés : avec la création de cabinet de curiosité et des fontaines d’étiages sous Héricart de Thury (à partir de 1815), et les publications d’ouvrage de référence par des fonctionnaires de l’IGC sur les catacombes par Héricart de Thury (1815) et Emile Gérard (1908).

Avec l’avènement des transports publiques et du métro souterrains, l’espace souterrains est de plus en plus occupé, et la préoccupation administrative est l’harmonie mécanique et gravitaire de tous ces circuits. La mise en sécurité, et prévention des risques comme objectifs uniques. Les salles de pédagogie qui ne font pas partie d’un parcours touristique rentable sont abandonnées, puis remblayées quand elles ne sont pas détruites pour simplifier la consolidation. Les abris de défense passive aménagés entre les deux guerres mondiales ont également pu remplacer d’ancien ouvrage pédagogique (cabinet Jubin).

Les clandestins ont toujours arpenté ces sous-sols, mais leur présence est beaucoup plus timide et hésitante après les évènements tragiques associés à des guerres ou insurrections qui finissent en fusillade dans leur recoin. Ainsi après la commune de Paris, les galeries sont nettoyées de leur insurgés, les ingénieurs et ouvriers redoublent d’effort pour reconstituer des planches de cartographie. Puis il y a l’exposition universelle de 1900 la fréquentation clandestine revient. On retrouve assez peu de graffiti concernant la 1ere guerre mondiale sous Paris, ce qui peut être un indice de sa baisse d’intérêt. Lors de la deuxième guerre mondiale, quelques zones assez localisées sont ornées de graffiti associés aux abris de défense passive, et les témoignages du docteur Suttel confirme qu’il n’y avait pas beaucoup de monde pendant l’occupation allemande. La libération de Paris aura également un front souterrain, d’où l’appel est envoyé, et quelques échanges de tir entre les antagonistes auront lieu dans ses galeries.

Les années 1960-70 témoignent encore par leurs anciens clandestins toujours là. Les fonctionnaires de l’inspections des carrières sont eux moins présents dans les sous-sols. La population de Paris intramuros plafonne mais en 1980, une nouvelle vague de clandestins nommés désormais cataphile sont de plus en plus nombreux. Cette tendance se trouve médiatisée, par la télé, les magazines, les livres ; et entraine une accélération du phénomène, la photocopieuse aidant la diffusion des plans. Ceci entraine deux constats : d’un côté la dégradation du patrimoine associé à cette fréquentation (graffiti anciens effacé, recouvert, nouveau graffiti, creusement de chatières, aménagement de salle, déchets …), et d’un autre côté une mise en avant de l’intérêt de ce patrimoine avec de nombreux inventaires, photographies, articles, cartographie, qui immortalisent ces objets historiques abandonnés des institutions officiels, et les fait revivre. Les années 1990-2000 sont marquées par la numérisation du réseau, l’apparition d’une communauté numérique, des forums, les sites internet dédiés et des plans téléchargeables. Les années 2010 continuent sur la lancée de développement du réseau numérique, et l’augmentation de sa population cataphile, avec les réseaux sociaux par lequel l’information circulent encore plus vite entre gens intéressés, tel des publicités qui sautent aux yeux même sans chercher, et sans modération. La banque d’image est infinie, presque lassante à voir, toujours les mêmes publications avares de textes. Mais en parallèle se développent des technologies cataphiles de plus en plus développées, avec la réalisation de reconstitution 3D, de performances artistiques audiovisuelles (les nouvelles technologies de batterie légères aidant), des inventaires de toutes sortes sous forme de système d’information géographique, des cartes géoréférencées, de superposition de plan de plusieurs concessionnaires, si bien que même l’inspection officielle à moins d’information et de ‘techniciens’ que les clandestins.

NUIT NOIRE 2015

 

- Partie 3 - L'art Vandale