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Vandalisme et Patrimoine, Deux concepts intimement liés. 

Dans les carrières de Paris et proche banlieue.

Partie 3 : L'art Vandale

 

1. Graffiti, expression populaire.

Le graffiti comme on l’a vu précédemment a toujours existé, avant la construction des murs, puisque l’art pariétal apparait dans les grottes à l’aube de l’humanité.

Brassai, photographe, réalise des séries de photo de graffiti des rues de Paris dans les années 1930, en comparaison aux inscriptions des grottes de la Dordogne, de la vallée du Nil et de l'Euphrate.

Cette pollution graphique, est une expression libre détachée de l’administration et des autorités. Qu’elle soit réfléchie ou impulsive, anonyme ou taguée, esthétique ou maladroite, correspond à une personne qui est là à une époque, brave l’interdit, et qui fait acte de dire je suis passé ici. Ben artiste postmoderne disait « je signe donc je suis ». Ambivalence cet acte est à la fois séduisant et destructeur.

D’un point de vu sociologique c’est la contreculture urbaine, la motivation est de parasiter les messages des puissants, des officiels. Ecrire sur les murs, qui représentent une limite, un cadre, une propriété, c’est écrire en marge, acté en résistance, contester et aspirer à la liberté.
D’un point de vue historique c’est un livre d’or d’une culture associée à une époque, une seconde lecture des évènements, sans censure. L’envers du décor. Les coulisses d’un monument. Alors que les graffitis contemporains n’intéresseront pas les historiens, ceux datés de plusieurs générations éveilleront curiosité et intérêt en prenant une dimension de témoignage social.

Brassai disait « Graver son nom … ce vandalisme ne s’expliquerait pas pour le seul besoin de destruction. J’y vois plutôt l’instinct de survie de tous ceux qui ne peuvent dresser pyramides, et cathédrales pour laisser leur nom à la postérité. » […] « le mur, refuge des interdits, donne la parole à tout ce qui sans lui serait condamné au silence ». Art brut, éphémère, et marginale, de personnes n’ayant pas suivi de formation artistique.

La version sauvage du graffiti est instinctive presque inconscient. Il se réapproprie l’espace dans le désordre et sature le champ visuel. Fait sous l’impulsion, par spontanéité, presque incontinence, il a un aspect anti-séductif. C’est une caricature de la publicité, qui saute aux yeux des passants qui ne demandent rien, pour ne rien vendre, un art involontaire et gratuit.

 

2. Evolution du graffiti et naissance du Street art

Comme on l’a déjà dit, les graffitis ont existé depuis que l’homme s’est levé devant un mur. Dans les grottes, et sur toutes constructions érigées de tous âges. Mais les pratiques évoluent et certaines mouvances crées des ruptures dans leur expression, leur message, leur esthétique.

Chaque période de révolte ou d’insurrection marquent ses murs de ses messages de contestations. La révolution commence sur les murs. Dans les années 1950 les murs parlent dans une dimension politique, pendant la guerre d’Algérie. Mai 1968, révolution culturelle et libération des mœurs, un mur blanc serait un peuple muet.

Un mouvement esthétique associé à un contexte socioculturel et de crise économique est né à New-York dans les années 1970. Le Writting. Les bâtiments abandonnés fleurissent dans le paysage urbain, espaces de liberté, et se font décorés de lettrage à la bombe aérosol aux codes mystérieux, que les citoyens lambda voit mais ne peuvent lire. Répétition à l’infini. Norman Miller l’appelle la nouvelle religion du nom. Cette pratique devient un art esthétisant, réfléchit, codé et prémédité, une culture fortement associée au hip hop.

Arrivée à Paris de ce mouvement Writting dans les années 1980. Certains sont déjà présent dans les galeries d’art, d’autres dans les tréfonds de la capitale, les catacombes.
Le graffiti « new-yorkais » apparaît en France à partir de 1982. Bando un artiste franco-américain, importe cet art des États-Unis et invite les artistes américains à Paris. Murs, monuments, métro, catacombes.

Dans les années 2000, la répression et la chasse aux graffeurs se fait plus imposante, ce qui pour certains sera un véritable motivateur pour continuer. On parle maintenant de Street art. Ce n’est plus uniquement la culture de la bombe aérosol, les matières se diversifient, collages (déjà pratiqué dans les années 1970 par Ernest Pignon-Ernes), mosaïques, pochoirs, stickers, bas-relief, gravures… Pratiques mixtes, rebelles, sortant des cadres, la définir serait un contresens.
En parallèle à partir des année 2000 il y a de plus en plus le phénomène de toying (tag over your shit), une espèce de guerre de territoire où des groupes tag ou gâchent par-dessus les fresques d’autres groupes.

Exemple de toying sous terre :

 

Alors que le début du graffiti importé de New York est relayé par les média comme une image assez vandale, malgré certaines expositions en galerie prestigieuse, le Street art se popularise par le biais d’internet, avec des blogs, sites, forum, lui donnent une image beaucoup plus noble.

 

3. Graffiti de Paris souterrains des années 1980

En surface, une lutte acharnée entre les nettoyages, rénovations des murs, et les divers recouvrements d’autres artistes, rend assez challenge la survie de graffiti des années 1980. Dans les carrières de Paris, abandonnées, les murs ne sont jamais rénovés ou nettoyés. Les street-artistes sont moins nombreux, et il est toujours possible de retrouver des traces des pionniers du graffiti parisien comme par exemple Bando, et VLP, Mesnager. Les galeries des carrières sont considérées par les adeptes du street-art comme un musée du graffiti.

 

Voici quelques exemples d’artistes graffiteurs des années 80 :

VLP (Vive la peinture)
Mouvement artistique Figuration Libre.
En 1980, les trois peintres se rencontrent dans les catacombes de Paris lors de fêtes punk-rock et peinture. Ils fondent VLP trois ans plus tard et peignent à la bombe les palissades du trou des Halles et celles des environs de Beaubourg et du musée d’art moderne.

 

Jerome Mesnager
En 1982, Jérôme Mesnager est le co-fondateur de Zig-Zag, un groupe de jeunes artistes qui investissent en « zig-zag la jungle des villes » et revitalisent des lieux abandonnés avec leurs graffitis. L’homme blanc se retrouve dans les galeries des catacombes de Paris.

 

Psyckoze

Il commence sa carrière de graffeur en 1984 dans les Catacombes de Paris, il signe "ACRO" mais plus tard prendra le blaze Psy ou Psyckose Nolimit. Membre du Crew 156, et des FC, puis des Gardiens du temple dans les KTA.

 

Bruno les cochons
Bruno débute à peindre ses cochons sur les murs de Paris et des catacombes en 1984.

ici le cochon en light painting

 

Les Rats
Groupe de cataphiles des années 1980 ayant fait de nombreuses fresques de peintures exclusivement dans les catacombes de Paris.

 

Malheureusement, même ces traces icôniques de la peinture souterraines ont, par la force des choses, tendance à disparaître également. Sachant que l'espace à recouvrir de peinture est quand même limité, et qu'il arrive toujours des nouvelles vagues d'artistes, ils finissent par être recouverts par des plus récents, ou frottés par des brosses métalliques. Les anciens qui ont connu les débuts du graff déplorent leur disparition.

 

 

1.3. Street art de Paris souterrains des années 1990-2000

 

Jerome Gulon

http://www.moreje.fr/

Zezão

https://www.zezaoarts.com.br/

 

Keox

https://www.fatcap.com/crew/lf.html

Honet

https://www.editionskomela.com/honet

M. Chat

http://www.monsieurchat.fr/

 

Jace

https://gouzou.net/

 

1.3. Graffiti de Paris souterrains à partir de 2000

 

Secret CP5

https://cp5crew.wordpress.com/2012/03/07/venga-chite-by-secret-cp5/

 

WaRoox

https://waroox.wixsite.com/wa-roox

 

Collectif le poisson

https://www.facebook.com/pg/Cherchez-le-poisson-622245964518381/about/?ref=page_internal

 

El moot moot

https://www.urbacolors.com/fr/artist/el-moot-moot

JonnyStyle

http://mrjonnystyle.blogspot.com/

Nobad

Tefi

https://www.pinterest.fr/tefiart/?autologin=true

Zykøs

https://www.facebook.com/pg/zykostencil/posts/

 

Megamatt

https://www.facebook.com/www.megamatt/

Space invader

https://www.space-invaders.com/home/

 

1.4. L'histoire des tagueurs et des frotteurs.

On peut également parler du phénomène de frottage à la brosse métallique par les frotteurs anti-tag à la peinture. Cela consiste à griffer la pierre avec une brosse métallique pour retirer une premiere pélicule ce qui est destructif pour les écritures de toutes périodes et rend la pierre nue. Certains évoquent le fait que la pellicule protectrice durcie de la pierre est alors retirée, et la roche est fragilisée et plus poreuse. Les griffures provoquées par ce frottage militant sont également une forme de tag.

Il existe également des pratiques de recouvrement des murs par de la boue, appliquée par des personnes contrariées par la présence de peinture colorée. Ce principe, dont l'esthétique est peu discutable, la galerie ressemble à un boyau badigeonné de merde, et fait également disparaître tous types d'écritures anciennes, donc le pigment est évidemment plus sensible aux peintures modernes.

Si le nettoyage de tags dans le métro est un budget considérable pour la ville, on ne peut pas en dire autant du sous-sol calcaire. Tout est laissé tel quel par l’administration. La répression sur cette pratique est également beaucoup plus sévère dans le métro que dans les carrières.

Cette lutte tagueurs - frotteurs existe probablement depuis l'apparition des graffiti à la bombe aérosol sous Paris, mais elle s'est intensifiée lors d'un épisode particulier du début des années 2000. Un groupe de tagueurs avait mis en œuvre une opération de nettoyage et de réaménagement d'une salle, Cabanis, alors qu'elle était depuis des années utilisée comme décharge. Leur objectif était de l'embellir pour éviter qu'elle ne redevienne une décharge trop vite. Plusieurs artistes étaient intervenus, dont Popay, Gilberk, Teurk, pour faire une fresque sur les murs de cette salle, représentant un coin de nature foisonnant de plans de cannabis (peints !). Un individu adepte du frottage s'est fièrement dit que ce serait une bonne idée de se filmer, nu, en train d'effacer à la ponceuse électrique toute cette fresque. La réponse fut à la hauteur, le mouvement « Frotte connard (FC)» émergeât avec rage. FC, et frotteurs, une guerre qui marqua les galeries et ne s'arrête pas depuis.

 

Conclusion

On peut séparer deux dimensions dans le graffiti, le sens du message (le nom, pseudo, crew, date, idées poétique, politique, humoristique, informations diverses, obscénité…), et le graphisme avec différent degré de stylisation (de la simple signature ou dessin spontané maladroit, au lettrage, pochoir en plusieurs couche, ou mosaïque pré-collée qui demandent des étapes préparatoires en amont).

Outre l’aspect vandale, et la disparition d’objets historiques (ancien graffiti) sous les couches de peinture qui est regrettable, le graffiti contemporain souterrain à Paris peut être considéré comme une forme d’admiration du lieu sous une forme intime, faire corps avec les murs, plutôt que la distance d’une sidération. Signer c’est la volonté d’être en contact avec une période révolue, nouer un lien physique avec celui-ci.
Le tract a quelques points communs avec le principe du tag, des séries de copie à l’identique, signé et posé aux quatre coins du réseau. Leur état papier biodégradable les rend plus éphémères et sans impact sur l’intégrité du lieu.

Le graffiti, c’est aussi une réappropriation d’un espace urbain abandonné, par l’errance, et l’action, dire qu’on est dans la place, et qu’on y revient. C’est un acte possessif, s’inscrire dans le débat de territoire. Une affirmation d’appartenance au milieu, à un crew, à une identité individuelle ou collective. Mais c’est aussi un don au lieu, quand il y a volonté d’esthétique.

 

 

 

- Partie 4 - Classification du vandalisme contemporain